CulT – Le virus culturel – Partie 1

CulT

Le CulT, ou virus culinaire, est le premier virus culturel de l’histoire de l’humanité. Je l’ai découvert après avoir rôdé autour pendant des années en accumulant une foule d’indices, mais sans jamais parvenir à les agencer.

En février 2022, une fortune de mer2 m’a emporté dans une longue traversée du désert à laquelle j’ai survécu en me réfugiant dans le monde inachevé du chercheur-cueilleur qui survivait en moi. C’est là-bas, dans la solitude de ce naufrage, que j’ai trouvé les dernières pièces du gigantesque puzzle que j’ai commencé à assembler voici plusieurs décennies.

Tout a commencé alors que je travaillais sur la version interactive de la carte alimentaire de la santé et qu’une force irrésistible m’a poussé à modifier la légende de l’île Amaman3, contre tout bon sens et sans pouvoir m’en justifier. Quelques mois d’errance plus tard, c’est la découverte du bug de la transition de lait qui m’a percuté de plein fouet et j’en ai fait état dans une vidéo de présentation de l’Alimentation Nouvelle4. Mais c’est quand j’ai commencé à voir la terre après ce long naufrage, depuis quelques semaines seulement, que le virus culinaire s’est dévoilé à moi. J’ai alors pu lever les bras au ciel en criant « Eurêka », tout émerveillé d’avoir un jour croisé la route de la sérendipité.

D’un coup d’un seul, toutes mes recherches se sont agencées en un tout cohérent que je pouvais enfin expliquer et donc transmettre dans sa globalité : de la naissance préhistorique5 de ce virus à aujourd’hui où je comprends pourquoi je vis dans ce monde-là plutôt qu’un autre.

Depuis qu’un chercheur-cueilleur a élu domicile en moi, on m’a régulièrement reproché de toujours tout ramener à une banale « histoire de bouffe ». J’en ai gardé une liste à la Prévert qui n’a cessé de s’allonger avec le temps et dont je vais maintenant pouvoir faire un poème épique bardé de vers et de rimes.

Parés à virer ? Envoyez…

Ce virus cible les enfants à la fin de la période lactéale.

Ce stade de développement de l’enfant est très signifiant chez les cueilleurs6. Il correspond au moment où il va devoir quitter un monde de certitudes pour entrer dans un monde d’incertitudes.

Optimisés par plus de 200 millions d’années d’évolution, le liquide amniotique et le lait maternel sont effectivement fabriqués/transformés par la mère pour répondre parfaitement à tous les besoins de l’enfant, qu’il soit humain ou de quelque autre espèce de mammifère.

Si l’enfant a faim, soit il prend (fœtus), soit il demande (bébé) et il est quasiment sûr d’être servi7. Et dans les deux cas, l’enfant du cueilleur est certain de se régaler, ce qui n’est pas toujours le cas avec l’alimentation transformée, loin s’en faut.

Son psychisme, en croissance fulgurante à ce moment de sa vie, va se structurer sur un mode affirmatif. Les circuits neuronaux correspondant à ce fonctionnement vont donc se développer : je veux, je prends, sinon je pleure, je hurle et pique une crise de nerfs. Il veut son plaisir, il y a droit, par la force s’il le faut tant il sait sa demande légitime.

À la fin de la période lactéale, l’enfant cueilleur va être confronté à une tout autre réalité, car rien de ce qui l’entoure n’a été fabriqué ou transformé pour répondre à ses besoins.

Or, sa plage alimentaire est très vaste8, mais il ne sait absolument pas ce qui va être bon à l’avance, il va donc être obligé de s’interroger avant de manger quoi que ce soit. Il le fera grâce au comportement alimentaire de sa mère qui fera défiler sous son nez tout ce qu’elle mange alors que l’enfant est encore au sein, où ultérieurement compte tenu de leur grande proximité plusieurs années durant. Notons au passage que sa mère n’aura aucun pouvoir de décision sur ses choix, car un aliment natif indésirable déclenche des arrêts sensoriels très explicites et de plus en plus agressifs s’ils ne sont pas respectés9.

L’incertitude de son nouveau mode de vie va lui imposer à présent de développer une nouvelle structure psychique calée sur un mode interrogatif. Pour y parvenir, il va suivre un entraînement digne d’un sportif de haut niveau : entre 5 et 7 fois par jour, et tous les jours de toute sa vie jusqu’à sa mort.

Les réseaux affirmatifs correspondant à la petite enfance, désormais inutiles, vont tout simplement et tout naturellement disparaître par élagage synaptique10, ce qui permet à l’enfant d’élaborer son psychisme d’adulte, celui qui l’accompagnera toute sa vie.

Les avantages du mode interrogatif sont considérables, car il permet de se mouler à toutes les réalités au lieu de les affronter en force. Le cueilleur a ainsi pu traverser des millions d’années sans rien abîmer de son monde et de la planète jusqu’à la fin du Paléolithique. Le mode affirmatif de son successeur a quant à lui réussi à détruire la planète en moins de deux siècles.

Avec la mise à jour du bug de la transition de lait, nous avons maintenant une vision du développement psychique naturel de l’homme qui se démarque clairement de ce que nous pouvons observer dans le cadre de l’alimentation transformée. Le mécanisme en œuvre est tout aussi clairement défini, et les millions d’années d’existence de l’approche sensorielle de l’alimentation11 attestent de sa cohérence au regard de l’évolution.

Passons maintenant à l’enfant Cult qui vient de terminer sa période lactéale et qui découvre sa nouvelle alimentation, disons les petits pots de marque Bérézina, élaborés par des ingénieurs avec toute une série de critères devant répondre à un cahier des charges complexe. Le premier d’entre eux est simple, il faut que l’enfant se régale, débrouillez-vous comme vous voulez, les ingrédients, les transformations, la composition, ok ok, mais pour vendre, il faut du plaisir à coup sûr. Ces aliments transformés ne peuvent évidemment pas répondre parfaitement aux besoins bien trop variés de l’enfant qui se fiche complètement de la logique commerciale, mais le plaisir, il l’aura et il mangera.

Et ça marche car, pour manger, l’enfant a besoin de plaisir, quel qu’il soit et d’où qu’il vienne. Et il en a, à tous les coups, ou presque, car si Bérézina 1 ne lui convient plus, l’enfant va contester bruyamment, jusqu’à ce que vous vous décidiez à lui servir un autre Bérézina, un Bérézina 2 par exemple : les ingénieurs sont ingénieux !

Au final, avec ces petits pots et autres « une cuillère pour maman », toutes ses expériences alimentaires vont le maintenir dans le mode affirmatif de sa petite enfance. Les structures psychiques qui se sont auparavant développées dans son cerveau vont non seulement se maintenir mais aussi se développer, car l’enfant y sera confronté 3 à 4 fois par jour jusqu’à l’âge adulte et même ultérieurement.

Il est là, le virus culturel, car la cuisine est culture et l’alimentation transformée empêche l’enfant d’accéder à son psychisme d’adulte normal. Cet enfant avancera donc dans sa vie avec une forte tendance affirmative, comme un enfant capricieux mais avec une brutalité d’adulte au risque de bousculer le monde au passage.

Là où ce virus est très fort, c’est dans son mode de transmission. En effet, un enfant infecté va évoluer dans un monde culturel habité par la cuisine. De la naissance à la famille et à l’école, de la gastronomie à l’art culinaire, des émissions télé dédiées aux discussions de table en famille ou au restaurant, des livres de cuisine aux réseaux sociaux, le virus monopolise l’attention de son hôte à longueur de vie.

Tant et si bien qu’une fois en âge de procréer, il aura perdu tout son libre arbitre et infectera systématiquement sa descendance. Et ainsi de suite, pendant des milliers d’années, en trompant les chercheurs du monde entier. Oui, ce virus culturel avance masqué… Mais dans un monde où tout le monde est masqué, le camouflage est parfait.

Le monde dans lequel nous vivons a donc été façonné par et pour des individus dotés d’un psychisme infantile. De nos jours, les humains, tous contaminés, vivent encore et toujours dans la nostalgie du paradis perdu de leur petite enfance où tout leur était dû ; et ils continuent à construire le monde à son image.

Les conséquences de cette découverte sont cependant très difficiles à identifier par des esprits contaminés ignorant que la normalité apparente de leur existence est paradoxale. Mais je fais confiance aux capacités d’abstraction et à la curiosité de divers spécialistes pour en prendre la mesure, car c’est toute l’histoire de l’humanité qui est concernée : de l’anthropologie à l’ethnologie, et de la médecine à la psychiatrie en passant par les sciences sociales, etc.

Le chercheur-cueilleur qui vit en moi n’a pas résisté à l’envie de faire une petite enquête dans le passé pour tenter de trouver des indices susceptibles de révéler des traces de son passage dans le temps. J’en ai trouvé deux : la naissance de l’art au Paléolithique et la naissance des grandes civilisations au Néolithique. J’ai commencé à les faire parler mais ils ont été si bavards que j’ai finalement décidé de leur consacrer un article à venir, intitulé : « Cult Le virus culturel, Partie 2. »

En attendant, c’est tout mon parcours que je dois reconsidérer car nul ne sait si ce virus est un parasite, qui laisse son hôte en vie, ou un parasitoïde qui, in fine, tue son hôte. Or si la terre devient inhabitable par sa faute, l’humanité disparaîtra en entraînant le Cult dans sa chute, mais il sera trop tard pour répondre à cette question.

De ce fait, je réalise que l’enjeu de ce vaccin, que j’ai commencé à élaborer il y a plus de trente ans alors que j’ignorais tout de ce virus, pourrait bien jouer un rôle majeur quant à la destinée de l’humanité. En effet, quels que soient nos efforts visant à limiter la dégradation de la biodiversité et de la terre, tant que nous ne nous occuperons pas des cerveaux qui les ont engendrées, nous ne changerons rien à rien.

Il n’en reste pas moins que la mise à jour de ce virus me permet enfin de valider l’autorisation de mise sur le marché de ce vaccin en tant que tel en mon âme et conscience. J’en ai testé l’efficacité sur des centaines de personnes de tous âges et très différentes, tant sur le plan de la santé physique que de la santé mentale. J’ai bien vu qu’il suffisait d’une simple carotte à la croque pour mettre le pied à l’étrier, et que chaque pas en avant permettait d’accroître sa conscience alimentaire tout en gagnant en état interrogatif. J’ai aussi vu de nombreux cueilleurs éclore et grandir autour de moi durant des années.

Ceci étant, je n’ai jamais réussi à percer les secrets de ce bien-être issu du remplacement de l’alimentation transformée par une alimentation non transformée. J’ai pourtant recueilli un nombre de témoignages considérable allant en ce sens, de l’adoption des jus crus à l’alimentation vivante ou à la crusine, sans parler du « supplément d’âme » dont parlent les cueilleurs sensoriels.

Mais contrairement à la santé physique, dont on peut mesurer les améliorations en s’appuyant sur des faits médicaux, pour l’instant, les recherches sur la santé mentale et l’alimentation sont absorbées par l’alimentation ultra transformée. Autrement dit, on est encore loin de s’intéresser à un bien-être qui s’enracine dans un état physiologique et métabolique améliorés, sinon optimisés.

Or, sans observations sensibles, mesurables et répétable, il est impossible de caractériser le bien-être en question. Tout ce que nous avons, ce sont donc des témoignages… et l’image populaire et grossière du viandard agressif comparée à celle du végétarien guère plus vif qu’un légume.

Aujourd’hui, grâce à la découverte du bug de la transition de lait, j’ai compris pourquoi le « bien-être » dépend directement du ratio entre l’alimentation transformée et l’alimentation non transformée, et surtout comment le virus culinaire impacte le fonctionnement du psychisme. Or, si le comportement alimentaire du cueilleur protège de ce virus, le « supplément d’âme » dont parlent les pratiquants mérite un vrai détour des chercheurs.

Néanmoins, le bien-être en question est perceptible dès qu’on réduit la consommation d’aliments transformés. Ce qui permet de comprendre pourquoi une multitude de conduites alimentaires dites alternatives, tels que la crusine, l’alimentation vivante, les jus crus, voire l’hypotoxique, ont réussi à se faire une petite place au soleil de la santé. Et pas seulement de la santé physique, car toutes les combines permettant de limiter la consommation d’aliments transformés engendrent aussi un supplément de bien-être proportionné à cette limitation.

Au début tout du moins, car aucune de ces conduites alimentaires alternatives ne détient la vérité à elle seule, juste un petit bout de vérité, avec ses avantages et ses inconvénients. Mais toutes ces pépites de vérités mises bout à bout rayonnent quand elles encadrent le diadème de l’approche sensorielle, qui ne vaudrait d’ailleurs pas grand-chose sans elles en ce monde.

Regardez cette couronne, avec ses ors multiples et son diadème à nouveau sur les devants de la scène après avoir été bafoué pendant des dizaines de milliers d’années12. Regardez-la bien, car vous pourriez bien sourire à l’éclat de ce diadème ou vous incarner dans telle pépite, ou dans telle autre, car tous ces joyaux sont au service de la résurrection psychique de l’humanité.

Le vaccin contre le Cult passe par la connaissance des îles de la Mer de la Transition13 et par une connaissance intime du comportement alimentaire du cueilleur. C’est ainsi qu’il est possible de réhabiliter, et dans son corps et dans son esprit, les merveilles de l’état interrogatif.

Il est là, le trésor que je cherche depuis si longtemps, et jamais je n’aurais pu imaginer qu’il se matérialiserait sous la forme d’un vaccin permettant de réduire la fracture nature/culture de notre espèce.

Maintenant que vous savez, vous pouvez regarder le monde autrement, le comprendre autrement et le repenser autrement ; et vous savez aussi que pour le sauver, il suffit de vous sauver vous-même. En effet, en vous reconnectant à votre véritable nature, vous allez gagner en état interrogatif et faciliter la décontamination de votre entourage, qui rayonnera à son tour jusqu’à ce que le monde s’apaise.

Mais l’histoire du virus CulT n’est pas terminée, et je vous promets de belles surprises dans la deuxième partie de cet article.

Dominique Guyaux

1Cult= culinaire témoins. acronyme défini dans : Du cru au cuit, du cuit au cru, Guyaux D., 2013, Mémoire EPHE, chapitre « Projets de recherches ».

2L’expression vient de ces naufrageurs qui allumaient des feux pour tromper les marins et faire fortune en pillant leur épave brisée sur les rochers.

3Version interactive de la Carte Alimentaire de la Santé

4https://www.youtube.com/watch?v=WVOu1sePOKg

5Voir Sujet traité dans la deuxième partie de cet article à paraitre très bientôt « Cult Partie 2 ».

6Le cueilleur se définit par son comportement alimentaire : 5 à 7 prises alimentaires par jour, en mono aliment natif et dans un cadre de disponibilité des aliments naturels (permanents, saisonniers et aléatoires). Nos ancêtres ont pratiqué ce comportement alimentaire pendant des millions d’années (Mémoire EPHE, D. Guyaux, 2013).

7La stratégie de développement de notre espèce se caractérise par une capacité d’accueil du milieu élevée (la lettre K se réfère à la Kapazitätsgrenze ou carrying capacity of a habitat). Il s’agit d’une stratégie de développement adoptée par des animaux ou des végétaux dont les conditions de vie sont prévisibles, avec des approvisionnements réguliers en ressources et des risques faibles où les animaux investissent dans la survie des jeunes. Wiki

8Du cru au cuit. Du cuit au cru. Mémoire EPHE, D. Guyaux, 2013. Chapitre 4 page 91

9Contrairement à ce qu’avance Sabrina Krief pour expliquer les fondements de la zoo-pharmacologie.

10L’élagage synaptique est le processus d’élimination des synapses qui se produit entre la petite enfance et le début de la puberté chez les humains. Ce mécanisme comprend, d’une part, l’élagage des axones et, d’autre part, celui des dendrites. L’élagage des connexions synaptiques, étroitement associé à la phase d’apprentissage et au développement neurocognitif de l’enfant, permet d’affiner les faisceaux neuronaux, mais également d’éliminer les structures neuronales devenues obsolètes ou déficientes. (Wikipédia). « Pruning and Synaptic Plasticity in a Growing Organized Neural Network » (Élagage et plasticité synaptique dans un réseau neural organisé en croissance) par Chistiakova et al., dans la revue PLOS ONE (2011).

11Du cru au cuit. Du cuit au cru. Mémoire EPHE, D. Guyaux, 2013

12La première preuve tangible de l’existence de ce virus nous ramène aux premiers grands artistes du Paléolithique (voir la deuxième partie de cet article).

13Carte Alimentaire de la Santé

Dominique Guyaux

Dominique Guyaux

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