Du cru au cuit :
une histoire des conduites alimentaires dans la lignée Homo
Du cuit au cru :
une prospective sanitaire issue du passé

ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES, SCIENCES DE LA VIE ET DE LA TERRE

Du cru au cuit : une histoire des conduites alimentaires dans la lignée Homo
Du cuit au cru : une prospective sanitaire issue du passé

Mémoire présenté par DOMINIQUE GUYAUX le 19 décembre 2013

Synopsis du mémoire

Synopsis mémoire


Le document en question est un mémoire écrit pour valider l’obtention du Diplôme de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes* (EPHE). Il y est question d’alimentation, de cru et de cuit, et de l’évolution des conduites alimentaires de l’espèce humaine tout au long de son histoire. Il a été élaboré sous la direction scientifique de Michèle Chabert, responsable du module d’enseignement « Physiologie du comportement alimentaire » à l’EPHE, et sous le regard de Sophie Montuire, directrice pédagogique EPHE (Paléobiodiversité et Evolution). De nombreux conseils émanent de scientifiques d’horizons variés ont été pris en compte pour aboutir à la version qui a été déposée à l’EPHE. Le mémoire a été soutenu oralement devant un collège de scientifiques (voir en fin de page) qui en a aprouvé la teneur, et il a été validé par l’EPHE le 24 avril 2014.

*L’Ecole Pratique des Hautes Etudes est un grand établissement d’enseignement supérieur qui s’appuie pour la recherche et la formation à la recherche sur un ensemble d’équipes d’accueil et d’unités mixtes de recherche (UMR) liées au CNRS ou à d’autres organismes, comme l’INSERM ou l’INRA.

Mise en garde importante
Le mémoire que vous voulez télécharger est une approche théorique de l’alimentation sensorielle, ce n’est pas un guide pratique.
La pratique de l’alimentation sensorielle peut présenter des risques importants pour la santé lorsque les aliments soumis aux systèmes sensoriels olfactif et gustatif sont réputés toxiques, comme c’est le cas avec certains champignons, fruits sauvages ou autres végétaux avec lesquels nous n’avons pas coévolué.
C’est pourquoi il est fortement déconseillé à quiconque d ’en consommer, même en très faible quantité, en se fondant sur leur évaluation sensorielle.

Le mémoire au format PDF (3,7 Mo) en libre téléchargement  


Historique du Mémoire

Issu d’une longue lignée de marins, la mer à toujours été dans ma vie. Après avoir commencé une licence d’océanographie à l’UCBL de Lyon, je bifurque pour ouvrir une petite voilerie. Je rêvais de partir autour du monde à la voile à la rencontre de ses habitants ; ce métier, la réparation de voile, devait me permettre de subvenir à mes besoins matériels durant ce voyage. A 30 ans : sclérose en plaques ; je vends la voilerie ; j’achète un petit catamaran et je largue les amarres pour un périple en solitaire qui durera trois années en passant par l’Afrique, le Brésil, les Caraïbes et le Venezuela.

Longtemps, j’ai vécu de cueillettes et de collectes glanées au fil des îles et de mes escales. Je reviendrais de ce voyage avec une connaissance originale et approfondie d’un mode alimentaire peu commun : le crudivorisme sensoriel. Ce mode alimentaire consiste à se nourrir d’aliments crus et non transformés (tels qu’ils se trouvent dans la nature) ; et ce, en accord étroit avec les signaux sensoriels olfactifs et gustatifs que ces aliments déclenchent spontanément. On ne guérit pas d’une SEP, on a parfois la chance d’une rémission mais la médecine en ignore totalement l’origine. En ce qui me concerne, lors de ce voyage, chaque fois que je suis passé du culinaire au crudivorisme sensoriel et vice et versa, cela s’est soldé par une rémission active; c’est à dire par une rémission dont je peux dire que j’étais responsable par mes actes ou, à contrario, par le déclenchement d’une nouvelle crise dont, dès lors, il était aussi possible de dire que j’étais responsable.

De retour à terre après ce voyage, riche de ce vécu et fort de cette expérience, je m’intéresse à cette mouvance en France et y enseigne le crudivorisme sensoriel pendant plusieurs années. Un jour, j’ai réalisé que pour changer véritablement les choses je devais m’y prendre autrement. J’ai alors décidé de reprendre mes études, interrompues 30 ans plus tôt, avec l’objectif de transmettre ces connaissances aux scientifiques qui, aujourd’hui, fondent les explications envisageables et les faits à retenir dans les domaines scientifiques concernés (alimentation et santé, paléontologie). Le parcours a été long et parsemé d’embuches. J’ai tout d’abord travaillé deux ans sur un projet de recherche sur les primates qui s’est finalement avéré être une impasse. Le coup a été rude, mais j’ai pu rebondir grâce à Michèle Chabert (EPHE), responsable du module d’enseignement « Physiologie du comportement alimentaire », qui est devenue ma directrice scientifique avec un nouveau sujet de mémoire cette fois centré sur l’alimentation de l’homme lui-même.

Des expériences sérieuses, publiées dans des revues scientifiques de renom, j’en ai recensé plusieurs dizaines démontrant l’impact positif du crudivorisme sur la santé, et les deux ou trois qui disent le contraire concernent une pratique très discutée du crudivorisme (le végétalisme). Toutes les publications que j’ai recensées (plusieurs dizaines) démontrent catégoriquement l’impact négatif de la transformation des aliments par la cuisson sur la santé (même lorsqu’il s’agit d’aliments qui ne sont comestibles qu’après cuisson). Dans les deux cas, il s’agit de preuves scientifiques indiscutables et, vu leur nombre, des questions s’imposent. Pourquoi l’homme d’aujourd’hui continue-t-il à se nourrir en transformant sa nourriture? Si le culinaire ne convient pas à la santé de l’homme, quel est le mode alimentaire qui convient normalement à notre espèce? Et si un tel mode alimentaire existe, d’où vient-il et comment a-t-il évolué au fil du temps pour en arriver au culinaire industriel de notre époque? Ces questions ouvrent la porte à des champs de réflexions d’une grande portée. Dans ce mémoire, j’ai essayé de clarifier la situation en posant quelques balises.

A notre époque, tous les acteurs de toutes les communautés scientifiques sont culturellement, socialement et historiquement culinarisées. Pour eux, comme pour quasiment tous les autres habitants de la terre, la conception théorique dominante est que l’alimentation normale de l’homme passe par la cuisine ; c’est pourquoi il est difficile d’envisager des explications remettant en cause cette conception et qu’il est aussi difficile d’attirer l’attention de la communauté scientifique sur des types de faits allant dans ce sens. Le paradigme culinaire occulte la longue histoire des conduites alimentaires de notre lignée mais l’homme a besoin de connaître cette histoire car le stade culinaire, et à fortiori le culinaire industriel, en sont eux-mêmes issus.
Aujourd’hui, face à la montée en puissance des oppositions et des obstacles, j’ai le sentiment de m’attaquer à un paradigme profondément ancré dans les consciences, et de ce fait, de devoir lutter contre des forces aussi puissantes, qu’irrationnelles et inconscientes.

Tout le monde mange et tout le monde a le droit de savoir s’il y a quelque chose à savoir à ce sujet. Bloquer ce savoir ou sa diffusion n’est pas un acte anodin, c’est un acte fort, politiquement, économiquement et socialement engagé à l’échelle d’une espèce toute entière, à l’échelle de notre espèce.

Lorsque le soleil s’est arrêté de tourner autour de la terre, c’est pour tous ses habitants qu’elle s’est mise à tourner autour du soleil.

Dominique Guyaux

 


Résumé

ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES, SCIENCES DE LA VIE ET DE LA TERRE

Du cru au cuit : une histoire des conduites alimentaires dans la lignée Homo
Du cuit au cru : une prospective sanitaire issue du passé

Mémoire présenté par DOMINIQUE GUYAUX le 19 décembre 2013

L’homme, comme tous les primates supérieurs, est doté de systèmes sensoriels performants qui devraient lui permettre de se nourrir de façon à se maintenir en bonne santé tout au long de sa vie. L’homme actuel est néanmoins confronté à un inquiétant développement des maladies de civilisations, dont beaucoup sont liées à son alimentation culinaire ; ce paradoxe nous amène à rechercher quelles devraient être les caractéristiques d’une alimentation adaptée à la physiologie humaine.
Après avoir décrit le potentiel sensoriel de l’homme, nous avons recherché (1) quel environnement alimentaire pourrait lui correspondre (hypothèse heuristique) et (2) quelles conduites alimentaires pourraient permettre son exploitation optimale en termes de santé. Considérant le crudivorisme comme la conduite alimentaire initiale des primates supérieurs, nous avons passé en revue les publications traitant du crudivorisme chez l’homme et avons relevé son impact positif sur la santé. Nous avons aussi passé en revue les publications traitant des conséquences de la transformation des aliments sur la santé ; nous avons ainsi constaté que les sous produits de la cuisson étaient responsables de nombreux dysfonctionnements biochimiques et physiologiques préjudiciables à la santé.
Sachant que les formes de crudivorisme étudiées n’utilisent pas tout le potentiel sensoriel de l’homme, nous avons choisi de décrire et de discuter les conduites alimentaires d’une micro-population qui pratique le « crudivorisme sensoriel », c’est-à-dire qui accorde une importance toute particulière à la perception olfactive et gustative des aliments crus, susceptibles d’être consommés en l’état. Le « crudivorisme sensoriel raisonné » a ensuite été décrit comme étant la forme de crudivorisme la plus proche de celle rendue possible par l’environnement alimentaire originel de l’homme. Un certain nombre de projets de recherche sont ensuite proposés afin d’évaluer la validité et la portée de diverses hypothèses concernant le crudivorisme sensoriel.
Pour finir, partant (1) des performances sensorielles de l’homme, (2) de la bibliographique relative au crudivorisme et à l’alimentation culinaire, (3) de l’expérience des pratiquants du crudivorisme sensoriel et du crudivorisme sensoriel raisonné, nous retraçons l’histoire des conduites alimentaires dans le genre Homo du stade « cueilleur » initial à celui de «collecteur» pour arriver au « stade culinaire » et enfin au stade « culinaire industriel » de notre époque.
Actuellement, il semble bien que l’alimentation culinaire ne permette pas à l’homme de se nourrir en restant en bonne santé tout au long de sa vie. Le crudivorisme sensoriel permettrait peut-être d’atteindre cet objectif mais les ressources de la terre ne suffiraient pas à nourrir ainsi neuf milliards d’individus. En revanche, une bonne connaissance de l’histoire des conduites alimentaires de l’homme et de leurs effets sur la santé seraient utiles pour (1) définir une politique alimentaire et enseigner des pratiques qui limitent le développement des maladies de civilisation et (2) trouver des thérapies adaptées au traitement des affections physiques ou psychologiques induites par l’alimentation.
Mots clés : Olfaction, Gustation, Régime alimentaire, Alimentation crudivore, Aliment transformé, Préférences alimentaires, Comportement alimentaire, Evolution des hominidés.


Table des matières

Remerciements 2
Table des matières 3
Liste des illustrations 5
1. Introduction : bases physiologiques du comportement alimentaire dans le référentiel culinaire 8
1.1. Description anatomique et fonctionnelle du système sensoriel olfactif 9
1.2. Description anatomique et fonctionnelle du système sensoriel gustatif 16
1.3. Description anatomique et fonctionnelle du système gastro-intestinal 21
1.4. Physiologie du comportement alimentaire dans le référentiel culinaire 24
2. Approche heuristique, bibliographique, et pratique de l’alimentation crudivore sensorielle 30
2.1. Mise en évidence d’un paradoxe dans le comportement alimentaire du consommateur culinaire 30
2.2. Combinaison environnementale produisant des ressources alimentaires compatibles avec les capacités sensorielles de l’homme 31
2.3. Pratiques alimentaires permettant d’exploiter au mieux les ressources alimentaires produites par la combinaison environnementale issue de notre hypothèse heuristique 35
2.3.1. Etat des connaissances actuelles sur le crudivorisme 35
2.3.1.1. Historique du crudivorisme 35
2.3.1.2. Problèmes engendrés par la pratique du crudivorisme sur la santé 36
2.3.1.3. Avantages engendrés par la pratique du crudivorisme sur la santé 37
2.3.1.4. Inconvénients de la transformation des aliments pour la santé 40
2.3.2. Le « crudivorisme sensoriel » 44
2.3.2.1. Historique du crudivorisme sensoriel 45
2.3.2.2. Méthode pratique 46
2.3.2.3. Les crudivores sensoriels racontent 47
2.3.3. Le « crudivorisme sensoriel raisonné » 54
3. Propositions sur la compréhension de l’évolution des conduites alimentaires dans la lignée Homo 56
3.1. Introduction 56
3.2. Les conduites alimentaires du cueilleur 60
3.3. Les conduites alimentaires du collecteur 67
3.4. Les conduites alimentaires du culinaire 70
3.5. Une grille de lecture complémentaire en Paléoanthropologie et en Primatologie ? 81
3.6. Conclusion sur les conduites alimentaires dans la lignée Homo 85
4. Projets de recherche pour étudier les conséquences du crudivorisme sensoriel sur la santé 87
4.1. Manipulations en laboratoire 88
4.1.1. Tests olfactifs 88
4.1.2. Tests gustatifs 90
4.1.3. Test de consommation 92
4.1.4. Relevés de l’activité cérébrale par IRM 93
4.1.5. Relevés de l’électrogustométrie 94
4.2. Analyses sur prélèvements biologiques 94
4.3. Etudes in situ 97
4.3.1. Observation de la transition culinaire/crudivore chez le sujet sain 97
4.3.2. Observation de la transition culinaire/crudivore chez le sujet malade 97
4.4. Identification des conduites alimentaires des hominidés anciens 98
5. Conclusion générale et perspectives 100
5.1. Conclusion générale 100
5.2. Perspectives 100
Bibliographie 103
Lexique 118
Résumé 126


Composition du Jury:

Provasi Joëlle – Président

Docteur ès Psychologie
Maître de conférences – Sciences de la vie et de la terre. Ecole Pratique des Hautes Etudes – Cognition Humaine et Artificielle (CHART) 4-14 rue Ferrus 75014 PARIS

Escarguel Gilles – Rapporteur

Dr. Gilles Escarguel
UMR-CNRS 5125 « Paleoenvironnements & Paleobiosphere » Département des Sciences de la Terre Faculté des Sciences, Universite Lyon 1 Campus de la Doua Boulevard du 11 Novembre 1918 F-69622 Villeurbanne Cedex

Fradin Jacques – Examinateur

Dr. Jacques Fradin
Directeur de l’Institut de Médecine Environnementale, 8 rue Lamartine, 75009 Paris

Chabert Michèle – Tutrice Scientifique

Maître de Conférences EPHE Centre de Recherche des Cordeliers UMR S 872, Equipe 4 Différenciation intestinale et métabolisme lipidique 15 rue de l’Ecole de Médecine Esc A2 75006 PARIS

Montuire Sophie – Tutrice Pédagogique

Pr. Sophie Montuire
EPHE-Laboratoire Paléobiodiversité et Evolution EPHE & UMR CNRS 6282 Biogéosciences Université de Bourgogne 6 Bld Gabriel 21000 Dijon

One Response

  1. Merci pour vos recherches et merci de communiquer votre expérience.
    Depuis de nombreuses années je m’intéresse à ce vaste sujet de la santé et de l’alimentation. Je me tourne timidement et à mon rythme vers de plus en plus de crus dans mon alimentation ou des aliments sommairement cuits pour rester au plus près du goût originel. Je me laisse guider par mon plaisir gustatif, ce que me dit mon corps et par l’état de ma santé. Je dis timidement car, sociétalement parlant, c’est difficile de sortir des chemins battus et aussi, c’est difficile d’avancer seul dans ce domaine avec l’impression d’être à contre courant. Et surtout sans savoir si j’avais raison ou pas de me comporter ainsi. Récemment j’ai pris la décision de manger comme j’avais envie chez moi et à l’extérieur je m’adapte au mieux pour ne pas heurter, ni subir les arguments pour me faire changer et revenir dans le moule.
    Je suis heureuse d’avoir lu votre mémoire. Ça m’encourage à rester dans ma ligne de conduite et passer à la vitesse supérieure tout en respectant mon corps.
    Encore merci pour votre partage.
    Bonne continuation.

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