Décryptage de l’Instinctothérapie

Préambule

Avant de commencer cet article quelque peu critique, je tiens à préciser toute la reconnaissance que j’ai pour le travail réalisé par Guy Claude Burger concernant l’alimentation.

Sans son travail, je n’aurais jamais croisé la route du cueilleur et j’aurais probablement passé ma vie dans un fauteuil roulant au lieu d’en rechercher la formule magique dont chacun détient une copie dans sa mémoire génétique. Sans cela, je n’aurais effectivement pas fait tout mon possible, et même plus parfois, pour que le cueilleur renaisse de l’oubli dans lequel l’alimentation mentale l’a enfermé.

L’Instinctothérapie est née à une époque où la physiologie alimentaire était encore une science balbutiante, et dans une société alors très réactive à tous les changements sociétaux. C’est dans ce contexte que Burger a été amené à faire une multitude de choix pour élaborer son mode alimentaire en ménageant la chèvre et le chou et la plupart d’entre eux se sont avérés parfaitement judicieux.
Cependant, à l’épreuve du temps, certains de ces compromis, qui se justifiaient parfaitement à l’époque vu qu’il n’y avait aucune autre alternative à l’alimentation transformée, s’avèrent aujourd’hui tout à fait dépassés. Or, la méthode est toujours enseignée aujourd’hui en France, à l’identique de l’original mais sous un autre nom, comme si le temps s’était arrêté il y a 30 ans.

Je trouve cela dommageable depuis très longtemps mais, par soucis d’unité crulinaire, je suis toujours resté discret à ce sujet. L’instinctothérapie est évidemment préférable à toute autre alimentation transformée, les choses sont claires, mais je pense aujourd’hui que ce n’est pas une raison pour en cacher les travers et les limites, sans pour autant remettre en question le travail réalisé par Burger à son époque.

J’ai été franco de port avec le mouvement végan (Révélations sur la viande), ainsi qu’avec les frugivores intégristes (Révélations sur les frugivores), il est temps que je le sois aussi avec l’Instinctothérapie pour éviter aux nouveaux venus de se perdre dans une île par trop vintage.

***

Dans cet article, je vais donc décrypter la pratique de l’Instinctothérapie et de son clone. Je vais le faire avec une certaine nostalgie, je vous l’avoue, comme on visite un musée de voitures anciennes, équipées d’essuies glaces à ficelle, de phares blafards, et de portières s’ouvrant dans le mauvais sens ; avec nostalgie vous dis-je.

Les points dont je vais ici discuter ici sont les suivants :

  • L’empilage, une grave erreur ?
  • L’intégrisme alimentaire, un piège à fin ?
  • Sniffer à chaque prise alimentaire, la preuve d’une déconnexion permanente, ou un aveu ?
  • La disponibilité naturelle des aliments, même pas un gadget pour les autruches ?
  • La casse biaisée à la casse ?

L'empilage une grave erreur ?

Le choix de deux prises alimentaires par jour n’est pas dénué de sens, car cela permet de concerner toutes les personnes normales qui travaillent normalement. Cependant, ce choix impose un empilage alimentaire systématique à chaque prise alimentaire.

Une fois de temps en temps, à l’occasion d’un partage festif, l’empilage est tout à fait acceptable. Le collecteur le pratiquait dans cette mesure, et se récupérait très vite en redevenant cueilleur dès la fête passée.

Lorsque l’empilage est systématisé, deux fois par jour, tous les jours de toute la semaine et des mois et des années, sans jamais de repos, quel dommage quand on sait les merveilles du mono aliment sur la digestion.

Y recourir, lorsqu’on est obligé, bien évidemment, mais l’imposer comme une vérité absolue en toutes circonstances est dommage, triste même, sachant ce qui s’y perd obligatoirement, juste à cause d’un plafond de verre qui n’existe même pas en vrai.

L’intégrisme alimentaire, un piège à fin ?

L’intégrisme alimentaire véhicule l’idée que la moindre transgression au « modèle » est une hérésie, que ce « modèle » est la seule et unique vérité en toutes circonstances.

Dans un monde de bisounours, ça pourrait avoir du sens, mais s’il est question de mettre en pratique un comportement alimentaire fondamental dans un environnement totalement décalé, que celui qui se targue d’y parvenir me lance la première cacahuète, promis je la goberai avidement.

La diabolisation de toutes transgressions à la règle est très contreproductive. Elle force le conflit entre nature et culture au lieu de l’apaiser et de l’apprivoiser pour le meilleur et sans le pire. Elle impose des transitions alimentaires d’une grande brutalité laissant de nombreuses personnes sur le carreau. Elle prive l’usage d’un culinaire raisonné en cas de difficulté, matérielle ou affective, plus rien de bon à manger cru ou traumatisme de vie.

Si besoin de transgresser il y a, c’est qu’il y a frustration, et le nier est plus facile que de se remettre en question.

Reconnaître et accepter humblement ses limites permet d’apprivoiser ces transgressions en s’appuyant sur de nombreuses vérités secondaires, pour le meilleur et sans le pire. Et c’est exactement ce que permet la prise alimentaire d’ajustement que j’ai développée dans l’article (Révélations sur la prise alimentaire d’ajustement).

Trop de frustrations accumulées dans le temps, sans aucune soupape de sécurité, conduit immanquablement à un abandon pur et simple, à un échec paré de résignation.

Là encore, la politique du tout ou rien ne vaudrait que dans un monde de bisounours. Alors qu’il est tout à fait possible de présenter un mode alimentaire qui permette à chacun de faire de son mieux pour le meilleur et sans le pire.

Sniffer à chaque prise alimentaire, la preuve d’une déconnexion permanente, ou un aveu ?

Sniffer tous ses aliments à chaque repas est un aveu d’impuissance.

Le lancement d’une catégorie alimentaire nécessite une évaluation sensorielle large permettant d’identifier ses propres amoureux sensoriels du moment. Une autre situation nécessite une évaluation, beaucoup plus légère cette fois, entre 3 et 5 aliments, qui est dite de remplacement car elle permet de trouver de nouveaux élus lorsqu’une catégorie commence à en manquer.

Hormis ces deux situations, c’est-à-dire la plupart du temps, le cueilleur sait ce qui va le régaler sans avoir besoin de sniffer à chaque prise alimentaire ; et ce quelle que soit la catégorie de disponibilité naturelle concernée.

En outre, le cueilleur étant par nature connecté à sa plage alimentaire, cela lui évite de passer pour un huluberlu chaque fois qu’il mange en société. Un peu de discrétion ne peut nuire à l’affaire.

La disponibilité naturelle des aliments, même pas un gadget pour les autruches ?

Ce paramètre est totalement occulté dans l’instinctothérapie, et c’est vraiment dommage, car notre système sensoriel s’est calé sur ses réalités originelles. Ce qui veut dire que les appels sensoriels et les arrêts sensoriels s’y sont adaptés spécifiquement.

Du coup, mettre en compétition sensorielle des aliments de disponibilité différentes ne sert absolument à rien.

Ça revient à faire confiance à son instinct pour choisir entre un aliment hyper appétant et un légume rébarbatif sans tenir compte du fait que l’un est rare et l’autre omniprésent. Tout le monde sait d’avance qui va gagner statistiquement parlant.

C’est d’ailleurs pour cette raison que la diététique s’est imposée dans le référentiel culinaire. Et c’est encore pour cette raison que, dans son centre de Provins, Burger avait jugé utile d’intervenir financièrement pour qu’au repas du soir, son équipe ne se rue pas sur les aléatoires en délaissant totalement les permanents (légumes).

La casse biaisée à la casse ?

Le rituel de la casse chez les instincto est profondément discutable pour tout un tas de raisons difficiles à voir quand on refuse d’ouvrir les yeux et je vais m’en expliquer.

La casse est un fruit tropical utilisé traditionnellement contre la constipation. Sa consommation quotidienne permettrait de faciliter le nettoyage de l’organisme.

Les faits :

La règle de l’instinctothérapie : tous les jours, en fin de matinée, séance rituelle de consommation de casse sous le contrôle de « l’instinct ».

Or, le moment choisi pour ce rituel est chargé de sens. En sortie de jeûne nocturne, l’appétence est exacerbée pour une très bonne raison, mais qui est inaudible si la disponibilité naturelle des aliments n’est pas prise en compte.
Statistiquement parlant, la première prise alimentaire de la journée concerne forcément des aliments uniformément répartis dans la nature et accessibles toute l’année. Par leur disponibilité ces aliments sont classés dans la catégorie des permanents, or les appels sensoriels des permanents sont par définition « faibles » et leurs arrêts sensoriels « forts », c’est d’ailleurs pourquoi il n’est pas facile de faire consommer des légumes aux enfants culinaires.

Là où ça coince, c’est quand des aliments beaucoup plus appétant que les permanents, c’est à dire des saisonniers ou des aléatoires, sont présentés à une heure où l’appétence est elle aussi exacerbée par la sortie de jeûne nocturne naturelle.

Faire confiance à « l’instinct » pour réguler la consommation de casse dans ce contexte doublement biaisé est une tromperie.

La casse est un aliment saisonnier, qui n’est disponible que quelques mois dans l’année et pour lesquels nous avons développé des appels sensoriels bien plus puissants que ceux des permanents qui sont naturellement omniprésents toute l’année.

Et cet aliment est testé à un moment de la journée où l’appétence est naturellement exacerbée pour faciliter la consommation des permanents en première prise alimentaire de la journée, sans entrer dans une concurrence perdue d’avance avec les autres catégories.

Bilan, qu’elle que soit la personne à qui vous demanderez d’évaluer la casse en sortie de jeûne, besoin ou pas, ça va marcher à tous les coups. Et vous pourrez dire : « Tu vois que tu en as besoin », alors que rien n’est moins sûr.

Et il en est de même concernant la quantité, combien en consommer ? « Ben jusqu’à l’arrêt sensoriel quoi ! », sauf que cet arrêt sera tout aussi incertain que le sont les appels sensoriels.

Consommer de la casse en journée et en respectant sa disponibilité saisonnière (pas toute l’année donc), alors oui, ces informations sensorielles seraient fondées.

Cette posture biaisée, qui permet de valider ce rituel, pose un autre problème d’importance. S’il y a besoin de casse le matin, c’est essentiellement pour palier à un problème digestif induit par la dernière mangeaille de la veille, c’est-à-dire un bel empilage alimentaire bien plus difficile à nettoyer qu’un mono-aliment.

D’où l’heure tardive de la première prise alimentaire de la journée instincto (12 h au lieu de 10 heures chez le cueilleur), ce qui laisse plus de temps à l’organisme pour traiter des poubelles non triées et donc plus difficiles à recycler.

Bref, ce rituel de la casse est biaisé. Ce qui permet de camoufler les conséquences digestives de l’empilage systématique des aliments mais pas seulement, car il occulte aussi la nécessité de remettre en question le bien fondé d’un choix très contestable. Non, deux repas d’empilage par jour, ne vaudront jamais les 4 à 6 prises alimentaires en mono du cueilleur.

***

Pour conclure, si l’Instinctothérapie a été une révolution en son temps, bien qu’aujourd’hui dépassée, cette pratique n’en reste pas moins historiquement respectable. Ce qui n’est pas du tout le cas de son clone qui tente de se faire passer pour l’alimentation naturelle de l’homme.

L’alimentation naturelle de la vache, on sait bien ce que c’est, celle du papillon ou du loup on le sait aussi, mais l’alimentation naturelle de l’homme n’a strictement rien à voir avec l’instincto et ses repas d’empilage qui s’achètent une conduite à coup de « casse », et j’en passe…

Par respect pour les personnes qui aspirent à prendre en main leur santé le plus naturellement possible, et pour lesquelles je travaille depuis si longtemps, je me devais de révéler cette supercherie qui n’a de naturel que le nom.

Dominique Guyaux

Dominique Guyaux

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2 Responses

  1. Je te rejoins dans a peu prêt toute « ses vérités »… elles sont pour autant adaptable selon que l’on parle de macro , et de bio disponibilité .. mais instinctivement adapté 😉

    Bien à toi .

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