Révélations sur l’envol d’un cueilleur

Quelle que soit sa façon de manger cuit ou cru, pour entrer dans le monde sensoriel du cueilleur, il faut avant tout ne rien changer à vos habitudes.

Il est totalement illusoire de croire qu’il est possible d’adopter le comportement alimentaire du cueilleur de but en blanc sans avoir préparé le terrain. Pour mettre en place les six catégories alimentaires constituant la plage alimentaire du cueilleur, il faut procéder étape par étape, commencer par une première catégorie et la rendre fonctionnelle, puis s’occuper d’une deuxième etc…

A vouloir tout faire en même temps, vous risquez de courir de déception en déception.
Une catégorie est fonctionnelle à partir du moment où :

  1. 1) vous avez rassemblé une dizaine d’échantillons d’aliments de cette catégorie et vous avez mis à jour vos élus du moment par une évaluation sensorielle ;
  2. 2) vous avez fait un stock de chaque élu identifié ;
  3. 3) vous restez vigilant afin de penser à remplacer rapidement les élus qui commencent à perdre de leurs attraits.

Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que vous pourrez introduire une ou deux prises alimentaires sensorielles dans votre journée (une s’il s’agit d’un aléatoire et deux s’il s’agit d’un permanent ou d’un saisonnier). Si vous vous êtes bien préparés, le plaisir sera au rendez-vous et vous atteindrez votre cible à chaque fois.

Si vous ne trouvez pas d’élu dans une catégorie et que vous tentez quand même une prise alimentaire, vous courez à l’échec. En effet, vous allez être frustrés et vous serez tentés de consommer un autre aliment pour compenser cette frustration, mais sans élu là encore, cela ne fera qu’entériner l’échec de la première prise alimentaire.

Une fois que votre première catégorie est fonctionnelle, vous pouvez vous occuper de la suivante, que vous introduirez à son tour lorsqu’elle sera elle aussi fonctionnelle et surtout pas avant. Et ainsi de suite jusqu’à la sixième catégorie.

C’est ainsi que, étape par étape, vous pourrez prendre votre envol de cueilleur.

Un autre avantage de cette approche, c’est qu’elle permet de remplacer l’ancien comportement alimentaire de façon progressive et sans frustrations.

En effet, les plaisirs inconditionnels que vous retiriez de votre précédent mode alimentaire seront systématiquement compensés et récompensés par des plaisirs vrais cette fois, car indexés sur des besoins vitaux.

Nous allons maintenant suivre pas à pas la mise en place d’une catégorie et nous détaillerons ensuite les spécificités de chacune d’entre elles.

Mise en place d’une catégorie alimentaire

Mettre en place une catégorie se fait en plusieurs étapes.

Tout d’abord, lorsque vous commencez vous n’avez aucun repère sensoriel et vous ne savez absolument pas quels aliments vont pouvoir répondre à vos besoins en ce moment. Il vous faudra donc constituer une plage alimentaire relativement conséquente pour identifier vos élus par une approche sensorielle.

Cela pourra sembler onéreux, mais ça n’arrivera qu’une seule fois pour lancer la machine au démarrage. De même, hormis en ce qui concerne les produits frais, vous devrez constituer un stock de départ pour les sucres concentrés et les saisonniers de longue durée. Dans les deux cas, il sera utile de voir ça comme un investissement dans votre sagesse sensorielle, et penser aux retours sur investissement fabuleux que vous en retirerez en termes de santé physique, psychologique et psychique.

Hypothèse d’école, prenons l’exemple de la catégorie des permanents, une dizaine de légumes différents devraient vous permettre d’identifier plusieurs élus sensoriels. Vous allez donc pouvoir faire une première prise alimentaire avec le meilleur d’entre eux en étant quasiment sûr de vous régaler vraiment.

Mais vous ne savez pas encore combien de temps vous allez vous régaler avec cet aliment, après avoir mangé une carotte ou cinq, quatre feuilles de salade ou deux salades entières, un quart de gousse d’ail ou une tête entière ?

La question peut se poser en d’autres termes : combien allez-vous pouvoir en consommer avec plaisir, ou combien allez-vous devoir en consommer pour couvrir les besoins de votre organisme ?

Parfois, vous serez comblés après une seule prise alimentaire, et parfois vous pourrez en consommer avec plaisir pendant des jours, voire des semaines.

Toujours est-il qu’un élu n’est pas voué à le rester ad vitam. Une fois les besoins de l’organisme couverts, votre intérêt sensoriel pour cet aliment va s’éclipser et l’élu va perdre son statut pour devenir un sortant.

Si vous ne faites rien pour le remplacer, une fois que vous aurez sorti tous vos élus, vous ne pourrez plus consommer un seul aliment de cette catégorie avec plaisir. A moins de compenser cette absence de plaisir, liée à la cible manquée, et la frustration qui en découle, par une sauce ou un mélange de maquillage.

D’où la nécessité d’insuffler une dynamique de renouvellement de la composition de chaque catégorie alimentaire. Dès qu’un élu s’éloigne, il faut immédiatement partir à la recherche d’un remplaçant sous peine de vous échouer plus ou moins rapidement sur une plage désespérante.

Pour ce faire, il faudra vous procurer quelques nouveautés et procéder à une évaluation sensorielle pour trouver un ou des remplaçants à votre élu déchu.

Apprendre à faire tourner sa plage alimentaire est fondamental pour un cueilleur pour plusieurs raisons.

Dans la nature, c’est l’environnement qui se charge de renouveler la plage alimentaire au fil des saisons et qui engendre la diversité nécessaire au maintien d’un niveau de plaisir alimentaire élevé tout au long de l’année. A notre époque, c’est vous qui allez devoir jouer ce rôle, et c’est en dynamisant votre plage alimentaire que vous allez y parvenir.

Il n’est pas possible de disposer d’une plage alimentaire comprenant plusieurs dizaines d’aliments différents chez soi et en permanence comme on peut le faire ponctuellement pour établir la carte d’identité sensorielle d’une personne à un instant t de sa vie.

Par contre en faisant tourner régulièrement une petite quantité d’aliments tout au long de l’année et au fil des saisons, on pourra passer en revue et tester tous les aliments d’une catégorie donnée. Ce qui permettra de ne manquer aucun aliment susceptible de combler un besoin ou un manque de l’organisme.

En résumé

Pour mettre en route une catégorie alimentaire, il faut donc :

  1. 1) rassembler entre 5 et 10 échantillons de cette catégorie ;

  2. 2) procéder à une évaluation sensorielle afin d’identifier un ou plusieurs élus que vous pourrez alors acheter en plus grande quantité ;

  3. 3) et enfin se préparer à réagir rapidement quand l’un de vos élus commence à perdre de sa superbe pour lui trouver un remplaçant dans les plus brefs délais.

C’est la meilleure façon de maintenir un niveau de plaisir constant toute l’année et dans chaque catégorie alimentaire, et c’est absolument indispensable dans le contexte social de notre époque où la tentation culinaire est omniprésente.

Sans élus, on manque la cible à chaque prise alimentaire. On a mangé, certes, mais on a mangé à côté de ses besoins. Alors, frustré, on cherche un autre aliment, mais on se trompe encore. Au final, on a le ventre plein mais on est insatisfait et frustré.

Ce qui a manqué, c’est le plaisir, un plaisir juste parce que l’aliment qui l’engendre correspond à un besoin particulier de l’organisme, tant en qualité qu’en quantité.

Une telle prise alimentaire, au lieu d’engendrer un état de « sérénité sensorielle », qui peut durer jusqu’à la prise alimentaire suivante, vous laisse dans un état de tension pour le moins inconfortable. Et ça, à force, ça devient vite insupportable.

Une fois que vous avez lancé cette première catégorie, et que vous savez en assurer une gestion dynamique, vous pouvez larguer les amarres et entamer votre périple sensoriel.

Replaçons-nous dans le contexte : quelle que soit votre façon de manger, plus ou moins cru, vous n’y avez pour l’instant rien changé. La première étape, c’est d’introduire, ou glisser, une prise alimentaire dans la journée. Une prise alimentaire qui vous permettra d’atteindre votre cible à coup sûr, car vous avez préparé le terrain et des élus de cette catégorie n’attendent que vous pour vous enchanter.

A partir de ce moment, vous allez pouvoir faire une ou deux prises alimentaires tous les jours. Votre alimentation antérieure ne sera pas trop perturbée par cette initiative qui, au-delà des bienfaits engendrés par cette prise alimentaire bien choisie, entraînera de facto une moindre consommation d’aliments transformés ainsi qu’une baisse d’intérêt pour ces derniers. Parallèlement, et insidieusement, vous allez commencer à déconstruire un certain nombre de madeleines de Proust qui biaisent votre fonction alimentaire.

Au bout de quelques jours, le temps de rôder la pratique et qu’elle devienne une routine bien huilée, vous pourrez mettre en place une deuxième catégorie alimentaire et introduire une ou deux nouvelles prises alimentaires dans votre journée.
A chaque nouvelle catégorie introduite, vous allez réduire la consommation d’aliments issus de votre alimentation initiale.

C’est en procédant ainsi que vous pourrez transformer progressivement vos habitudes antérieures sans vous brusquer frontalement. Et comme vous atteindrez fréquemment votre cible, vous serez tout aussi fréquemment récompensés en plaisir et en sérénité.

Chaque catégorie alimentaire ayant des caractéristiques particulières qui conditionnent la façon de les mettre en place, nous allons maintenant les passer en revue l’une après l’autre.

La catégorie des permanents (Légumes, algues, coquillages…)

 

Appels sensoriels faibles et arrêts sensoriels forts

La plage alimentaire des permanents est facile à constituer : on trouve des légumes quasiment partout et on peut se réapprovisionner en frais presque tout le temps.

Ceci étant, il est important de soigner la diversité de cette catégorie car l’alimentation culinaire engendre une multitude de carences en micronutriments qui ne pourront être comblées qu’en testant une grande diversité d’aliments, eux-mêmes riches en micronutriments comme c’est le cas pour les légumes.

Mais dans les circuits de distribution classiques, seule une poignée de légumes trouve grâce aux yeux des commerciaux de ce secteur et c’est une difficulté. Avec la série classique : salades, concombres, tomates, poireaux, courgettes, pomme de terre…, le cueilleur ne peut qu’être triste. Il vous faudra donc consacrer un peu de temps pour dénicher des sources d’approvisionnement plus variées, tout particulièrement si vous avez une pathologie déclarée.

Cette catégorie est par contre la plus difficile à explorer car les appels sensoriels y sont faibles et la quête d’élus laborieuse. Sa mise en place demandera donc plus de temps que pour celle des saisonniers de courte durée (fruits frais), par exemple, qui sont dotés d’appels sensoriels bien plus importants.

La catégorie des saisonniers de courte durée (fruits frais)

Appels sensoriels forts et arrêts sensoriels faibles

Cette catégorie est un peu moins facile à constituer que la précédente car, la diversité des fruits tropicaux est assez faible dans la distribution classique et guère mieux dans les filières bio. Durant la belle saison des fruits en France, printemps et été, cela ne pose pas de problèmes, mais il en est tout autrement le reste de l’année. Il vous faudra donc prévoir une source d’approvisionnement spécialisée dans leur importation pour couvrir la période hivernale.

Cette catégorie est par contre beaucoup plus facile à explorer, car les appels sensoriels y sont élevés et la quête d’élus bien plus fréquemment récompensée que dans les permanents. Pour ces raisons, c’est probablement la catégorie la plus aisée à mettre en place pour démarrer.

La catégorie des saisonniers de longue durée (fruits à coque, tamarin, casse…)

Appels et arrêts sensoriels moyens

La catégorie des saisonniers de courte durée ne se conserve pas sur le long terme, celle des saisonniers de longue durée oui. Cette catégorie permet donc de faire des stocks sans risquer de pertes. Il est ainsi possible de constituer une plage très variée et il faut en profiter. Plus elle comprendra d’aliments différents, et plus vous aurez de chance d’y trouver des élus sans avoir à courir en permanence pour la faire tourner en fonction de vos besoins comblés ou à combler.

Les appels sensoriels étant plutôt faibles avec les fruits à coques, il sera parfois utile de recourir au goûter/cracher pour identifier vos élus potentiel. Surtout au lancement de cette catégorie, c’est-à-dire au démarrage. Une fois vos élus identifiés, il ne sera pas utile de procéder à une longue sélection à chaque prise alimentaire. Il suffira de surfer sur vos élus, jusqu’à ce que vos besoins soient couverts. Alors, pour trouver un remplaçant à ces élus en partance, alors oui, il sera utile de recourir à une nouvelle procédure de sélection, en goûter/cracher si besoin est.

Pour constituer cette catégorie, vous allez devoir investir une certaine somme. D’une part à cause de son étendue, mais pas seulement, car vous n’allez pas pouvoir choisir le meilleur moment, en termes de prix, pour constituer votre stock. Cette catégorie nécessite donc un investissement de départ relativement élevé, mais pour la suite, vous pourrez constituer vos stocks au fil des saisons, en profitant des prix plus faibles dans l’abondance des nouvelles récoltes.

Si vous devez voyager ou passer quelques jours hors de chez vous, cette catégorie sera très utile car ses ingrédients se conservent facilement sans réfrigérateur et parce que vous n’aurez pas besoin de courir les magasins pour vous en procurer si vos stocks personnels sont bien constitués.

La catégorie des aléatoires  (protéines animales et sucres concentrés)

1) Les protéines animales

Curiosité sensorielle élevée, arrêts et appels sensoriels contrastés

Ces caractéristiques sensorielles particulières méritent qu’on s’y attarde un peu.

La combinaison entre une curiosité sensorielle élevée et des réponses sensorielles contrastées met en valeur deux choses : les protéines animales sont très recherchées à cause de leur rareté, mais la diversité de leurs compositions engendre des réponses sensorielles souvent très diverses.

Sur un très grand nombre d’évaluations sensorielles réalisées avec les protéines de mer et les protéines de terre, nous pouvons fréquemment observer des réponses très tranchées entre les deux catégories elles-mêmes. Les notes sont souvent soit globalement positives, avec certaines très élevées (salivation garantie), soit globalement négatives, avec là aussi des notes très basses (dégoût). Bref, il y a des personne pro-viandes et anti-mer, et d’autres qui sont pro-mer et anti-viandes.

Cette situation de fait traduit un déséquilibre de l’organisme, avec des manques induisant des besoins particuliers ne pouvant être comblés que par les protéines de terre ou uniquement par les protéines de mer ; d’où ces réponses contrastées.

Pour comprendre plus finement les choses, il faut parler de leur composition biochimique et de leur  densité énergétique.

L’intérêt énergétique des lipides, et dans une moindre mesure celle des protides, est indéniable, mais il existe des alternatives, notamment avec les glucides des fruits qui sont beaucoup plus disponibles (saisonniers).

Par contre, les acides gras polyinsaturés des viandes sauvages et des poissons gras, qui sont extrêmement intéressants en termes de santé, ne se trouvent en abondance que dans les produits animaux.

Il en est de même en ce qui concerne la deuxième richesse notable des produits de la mer, les oligoéléments rares qu’ils contiennent en quantité. 

Pour terminer, il faut encore évoquer certaines vitamines qui sont difficiles à se procurer en quantité suffisantes avec une alimentation végétalienne et dont les viandes animales sont bien pourvues.

On remarquera que les atouts de ces deux catégories d’aléatoires découlent du fait que les autres catégories sont dépourvues de tels atouts. On comprend dès lors à la fois la grande curiosité sensorielle qui en découle, car tous ces atouts comptent et méritent qu’on les traque pour les interroger, et les réactions sensorielles contrastées, car il y a autant de raisons de tomber sur un atout qui viendra renforcer votre jeu que de tomber sur une caractéristique qui viendra perturber votre jeu, de la santé bien sûr.

A) Protéines animales de terre

Je vous conseille fortement de lire ou relire l’article « Révélations sur la viande »  pour savoir comment gérer cette catégorie alimentaire avant de la mettre en place.

Que vous mangiez habituellement de la viande ou pas, il est extrêmement important d’interroger votre système sensoriel pour savoir si vous avez tort ou raison d’avoir fait le choix que vous avez fait.

Ceci étant, cette catégorie réclame une stratégie particulière dans la mesure où la composition d’une viande évolue avec le temps au fur et à mesure de sa maturation. Chaque stade de maturation de chacune des viandes que vous pourrez vous procurer sera susceptible de correspondre à un besoin particulier de votre organisme. Et tant que vous n’aurez pas exploré cette catégorie de fond en combles, vous ne pourrez pas  savoir si l’un de ces stades vous concerne.

C’est pourquoi vous allez devoir organiser le théâtre de cette exploration. C’est-à-dire mettre en place vous-même ce processus de maturation de façon à pouvoir tester tous les stades successifs de maturation de chaque viande que vous voudrez tester. Pas toutes en même temps bien sûr, d’abord avec 2 ou 3 viandes, et puis avec 3 autres etc.

N’hésitez pas à garder des viandes plusieurs semaines ou même plusieurs mois dans votre frigo. Peut-être qu’un jour, alors que vous aviez oublié ce morceau de vache acheté il y a plusieurs mois, il vous enchantera soudainement.

B) Protéines animales de mer

Cette catégorie alimentaire est l’une des plus aisées à constituer car la majorité des aliments qui la compose sont sauvages. Alors bien sûr, il faut avoir un poissonnier à portée de main, et il faut scrupuleusement écarter les poissons d’élevage, les produits décongelés et les poissons saumurés.

Dans la nature, pour les personnes vivant près de l’eau, (rivière, lac, mer), les coquillages et les algues sont bien plus accessibles que les poissons. Les premiers pourront donc être consommés bien plus fréquemment (quasi permanents) que les poissons qui sont résolument des aléatoires.

Pour savoir où vous en êtes des produits de la mer, exactement comme pour les protéines animales, vous allez devoir tous les tester. Pas en même temps bien sûr, mais si vous commencez l’alimentation sensorielle, il sera important de lancer très vite cette catégorie de façon à interroger rapidement tous les aliments qu’elle comprend. La raison, c’est que vous ignorez tout de l’importance des carences induites par votre précédente alimentation et des réponses qu’une approche sensorielle pourrait y apporter pour votre plus grand bien.

Les pratiques culinaires, parce qu’elles masquent les signaux d’une éventuelle dégradation des aliments, ont engendré une phobie pour les aliments qui ne sont pas d’une fraicheur exemplaire. Dès qu’un coquillage meurt, que ses coquilles sont ouvertes, il devient impropre à la consommation et il est jeté. De même en ce qui concerne les crustacés (tourteaux, langoustes), qui ne sont vendus que s’ils sont vivants. Cette précaution est tout à fait justifiée car elle concerne des individus qui n’ont pas la capacité sensorielle d’identifier une éventuelle toxicité.

Par contre, dans le cadre de l’alimentation sensorielle, cette pratique est totalement inutile car si un produit est vraiment avarié et toxique, il sera perçu comme extrêmement repoussant à l’odeur et au goût. Une autre conséquence induite par ce culte de la fraicheur est très problématique, car elle prive tous les consommateurs des bienfaits potentiels d’un coquillage, d’un poisson ou d’un crustacé maturé.

Lorsque vous achetez ces aliments, ils seront donc forcément frais. Mais si au lieu de les jeter une fois la première fraicheur passée, vous accompagnez leur évolution, vous pourrez profiter de tous leurs bienfaits potentiels en les testant tout au long de leur maturation. Sachant que ces aliments contiennent des acides gras et des oligoéléments rares, il est vraiment important de ne pas en négliger l’exploration.

 Le séchage de ces produits est tout à fait conforme à l’alimentation sensorielle, car il se produit naturellement avec le soleil. Lorsqu’un filet de poisson est totalement déshydraté, sa maturation est bloquée et il peut se  conserver assez longtemps. Les poissons gras ont un inconvénient, même parfaitement déshydratés, leur graisse rancit avec le temps et sont rarement consommables, ou alors par de rares personnes dans ce besoin spécifique.

Autrement dit les produits de la mer doivent être explorés tout au long de leur évolution, exactement comme les viandes. Lorsque vous parvenez à identifier un stade de maturation qui vous convient, vous pouvez stopper le processus à ce stade en déshydratant complètement l’aliment. Ainsi vous pourrez les conserver au frais dans un bocal de verre fermé pendant plusieurs semaines voire plus.

Cette réserve pourra dépanner en cas de pénurie, ou être utilisée comme joker lorsque que vous êtes en voyage ou en déplacement.

2) Sucres concentrés 

Curiosité sensorielle élevée, appels sensoriels élevés et arrêts faibles.

Cette catégorie est aisée à mettre en place car on trouve assez facilement plusieurs variétés de figues séchées ou de dattes ainsi que de nombreux fruits tropicaux issus de l’agriculture biologique. On trouve aussi une belle variété de miels, y compris en rayon. Pas forcément en magasins bio, mais entre Jurassic Fruits, FruitStock Biovie Orkos, il y a tout ce qu’il faut.

L’exploration de cette catégorie est grandement facilitée par des appels sensoriels très élevés et les élus peuvent être nombreux. Le problème est justement là, il faut souvent se limiter pour respecter la faible disponibilité naturelle de cette catégorie. En effet, avec plusieurs élus en permanence, il est tentant d’y chercher une réponse à chaque pulsion de compensation.

Par contre, il est possible d’utiliser cette abondance d’élus pour répondre à des situations particulières où les élus artificiels de la cuisine sont omniprésents et super tentants. Mais méfiez-vous si vous faites goûter vos élus à un culinaire, il risque de se régaler, puis de cafter aux autres convives et pfft, vous n’aurez plus qu’à vous consoler avec cette glace aux macadamia qui n’arrêtait pas de vous faire de l’œil… 

Les sucres concentrés ont d’autres avantages : bourrés d’énergie, ils sont légers et faciles à stocker et se conservent sans précautions particulières. Une randonnée, une balade en mer, une virée à vélo ou toute autre activité physique, à chaque fois ils seront les bienvenus à défaut de disposer d’un choix plus large. Pour un usage plus fréquent, un petit quatre heures au boulot par exemple, il faut être plus prudent, car une consommation fréquente, entraînera forcément une baisse d’attraits pour les fruits frais et sucrés.

La catégorie d’ajustement

L’utilité de cette catégorie est bien décrite dans l’article intitulé « Révélations sur la prise alimentaire d’ajustement ».

Sa mise en route passe par un état des lieux des stratégies d’évitement auxquelles vous pourriez recourir en réponse à une frustration alimentaire simple ou complexe.

Trois stratégies majeures doivent être prises en considération.

Celle qui concerne la madeleine de Proust s’attaque à l’attirance inconsciente et inconditionnelle engendrée pour certains aliments associés à de grands moments de bonheur vécus par le passé. Il s’agit d’une stratégie visant à briser le circuit d’attirance mémorisé en le remplaçant par un circuit de rejet acquis par une expérience désagréable volontairement provoquée.

La deuxième stratégie consiste à identifier les préparations culinaires les plus acceptables pour votre organisme. Pour certaines personnes, une consommation excessive de riz fera moins de dégâts digestifs qu’un excès de quinoa, et un steak juste passé dix secondes à la poêle sera moins impactant qu’un bœuf bourguignon.

La troisième stratégie consiste à évaluer l’impact sur votre organisme des différentes façons de maquiller un aliment pour le rendre plus attirant (petite sauce, pointe de sel, tapenade, etc.).

Dans tous les cas, l’objectif sera d’acquérir une connaissance qui vous permettra d’opter pour la moins pire des solutions en toutes circonstances.

Au final, il s’agira d’identifier les transgressions alimentaires les plus acceptables par votre organisme dans l’optique d’en privilégier l’usage en cas de frustration. Nous sommes tous différents, jusque dans nos travers, et ce travail d’identification, nous devons tous le faire pour nous-même.

Une fois ces élus identifiés, vous pourrez y recourir en toutes circonstances, et ainsi éviter des compensations bien plus problématiques. De plus, vous n’aurez pas à remettre à jour cette catégorie car, contrairement aux aliments crus, dont l’attrait évolue en fonction de nos besoins, les aliments transformés sont palatables. Si on aime le chocolat, les spaghettis au Roquefort ou le poulet rôti, besoin ou pas, ces aliments seront toujours bons pour vous.

Dans les faits, cela revient à se constituer une trousse à outils sur mesure afin de contrer à moindres frais les fractures nature/culture induites par tout changement alimentaire profond.

Conclusion

La boucle est bouclée, vous avez fait ce qu’il fallait pour rentrer petit à petit dans l’intimité sensorielle du cueilleur, et vous lui avez constitué un cadre d’expression dynamique qui s’apparente, autant que faire se peut, au biotope originel de notre espèce.

Maintenant, vous avez acquis une autonomie sensorielle totale et vous pouvez prendre votre envol

Dominique Guyaux

Dominique Guyaux

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4 Responses

  1. ll me semble que ce n’est pas tant la profusion des aliments qui a permis de développer la sensorialité olfactive de nos ancêtres, mais bien plutôt la raréfaction des aliments. Quand un aliment adéquat physiologiquement est en quantité abondante dans un environnement donné (par exemple pour un herbivore), alors la diversification alimentaire n’est pas nécessaire. La rareté des aliments adéquats à notre physiologie a ainsi pu être un facteur contribuant à la nécessité de la diversification alimentaire chez nos ancêtres, l’évolution favorisant alors la survie des individus disposant d’un système sensoriel olfactif développé, capable de repérer dans l’environnement les éléments comestibles pouvant remplir nos besoins physiologiques. On peut imaginer que nos ancêtres primates étaient en grande partie frugivore en mono-aliments et que tout à coup, une catastrophe ou un changement climatique, a diminué la disponibilité des fruits co-existant alors avec notre espèce. Nous avons dû alors diversifier notre alimentation avec d’autres plantes et notre espèce a ainsi évolué de pair avec un renforcement de son système olfactif capable de distinguer les éléments comestibles des éléments non comestibles.

    1. Bonjour Aurélien,
      Sincèrement, vous posez de bonnes questions, que j’ai traitées en profondeur, lisez le mémoire et j’en discuterais volontiers avec vous, mais je ne vais pas le réécrire ici pour vous.
      Cordialement,
      Dominique

  2. Bonjour Dominique, J’avais une question par rapports à tous ces aliments. Pour la catégorie « viande » ou produits animaux. Pour tout ce qui est végétal, racines, noix et qu’on peut cueillir, pas trop de problèmes pour sentir, renifler…puis même goûter ensuite pour savoir si cela correspond à nos besoins du moment. Mais pour les animaux sauvages dans la nature qui veulent pas se laisser manger? Il faut donc, avant de savoir si cela correspond à un quelconque besoin, d’abord aller chasser, réussir à attraper, puis tuer l’animal pour enfin le renifler et le goûter pour s’apercevoir que ça le fait pas du tout là peut-être par rapport à nos besoins du moment? C’est donc énormément de temps, d’énergie et de dangers, et de tuerie donc aussi pour…peut-être rien? Plus ou moins souvent? Une fois qu’on peut acheter la viande au supermarché ou chez le boucher par contre la donne est clairement faussée de nos jours, et « l’aliment » n’est plus natif de toute façon. Voilà mon interrogation donc.

    Cordialement,
    Bonne journée!
    Claude (Polynésie française)

    1. Bonjour Claude,
      Vous vous posez de bonnes questions. Je les aies abordées à maintes reprises dans mes écrits et je vous invite à chercher et à lire ce que j’ai pu en dire autant dans le mémoire que dans L’éloge du cru ou dans Du cuit au cru. En lisant les tables de matière vous saurez exactement quoi lire pour faire avancer votre réflexion à ce sujet.
      Bien cordialement,
      Dominique

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