Révélation sur le début de la faim …

Faut-il ou non manger le matin ?

Certains disent que oui, juste un petit café… pour d’autres, oui, mais sans plus… pour d’autres encore, c’est un vrai repas, il faut que ça tienne au corps, disent-ils, et pour les enfants, c’est le moment de faire le plein d’énergie avant l’école…

Pourtant, de nombreuses personnes ne suivent pas ces conseils et se disent incapables de manger quoi que ce soit le matin. Bref, on entend tout et son contraire et personne n’y comprend rien.

C’est très logique, dans la mesure où le culinaire constitue la référence en matière d’alimentation humaine et que cette référence n’a encore jamais été « regardée » comparativement aux modes alimentaires fondés sur le sensoriel. C’est cet exercice qui va nous permettre de faire un peu de lumière sur notre lumière intestinale.

En préambule, regardons ce qu’il se passe après la période de jeûne nocturne naturel dans le référentiel culinaire. Tout commence souvent par des sensations désagréables dans le ventre, des gargouillis, des tensions intestinales, doublés parfois d’un état légèrement nauséeux. Pas de quoi se pâmer, mais qu’est-ce que cela peut bien signifier ?

Avant de raisonner, posons la scène : l’intestin est un filtre, on parle de barrière intestinale, qui permet soit de faire entrer dans l’organisme les macronutriments et les micronutriments qui se trouvent dans l’intestin, soit d’évacuer les déchets de l’organisme vers la lumière intestinale pour qu’ils soient ensuite éliminés sous forme de selles.

Ces deux actions étant antagonistes, elles ne se déroulent pas au même moment. Durant la journée, on mange et on assimile et, durant la nuit, on jeûne et on élimine.

Le jour, la barrière intestinale laisse passer les micronutriments et les macronutriments de l’intestin vers l’organisme et la nuit, elle laisse passer les déchets provenant de l’organisme vers l’intestin pour qu’ils puissent être évacués.

Dans une journée, il y a donc deux changements de sens du travail intestinal. L’un survient une fois le dernier repas de la journée digéré et l’autre se manifeste lors de la rupture du jeûne nocturne. L’heure du changement matinal est importante car ce sont les différences observées d’un comportement alimentaire à l’autre qui vont nous éclairer sur le pourquoi du comment de ces variations.

Voyons maintenant les trois cas de figure qui nous intéressent ici, à savoir : le culinaire, le cueilleur sensoriel et le collecteur sensoriel.

Le culinaire

Dans le référentiel culinaire, le bol alimentaire du soir est difficile à digérer parce qu’il est constitué d’un mélange complexe d’aliments transformés. Les déchets de cette prise alimentaire devront ensuite être éliminés, tout comme les déchets des autres prises alimentaires de la journée. Tant et tant que la nuit entière n’y suffit pas. Or, la nuit, c’est bien pratique pour faire le ménage car, normalement, le propriétaire des lieux est en train de dormir. C’est un peu comme le service de voirie d’une ville : les éboueurs sont censés faire leur boulot quand tout le monde dort encore. Chez le culinaire donc, la digestion de la prise alimentaire du soir retarde le timing des éboueurs et, en plus, la quantité de déchets à éliminer est telle que, la plupart du temps, le travail n’est pas terminé lorsque la personne se réveille. C’est un peu comme si les éboueurs passaient à 10 heures du matin, c’est perturbant pour les riverains. Il est ainsi logique qu’un individu puisse ressentir divers désagréments digestifs en sortie de nuit. Ce qui l’est moins, c’est ce qu’il en déduit et ce qu’il en fait.

Interprétation évidente : j’ai faim, donc je vais manger quelque chose ou, à minima, boire un petit café. Alors, miracle, les désagréments s’interrompent. J’en déduis alors logiquement que mon ressenti était un signal de faim puisque c’est en mangeant que je l’ai fait disparaître.

En fait, le problème est bien plus complexe que cela : si l’organisme n’a pas terminé le ménage dans la nuit, alors que la personne n’est pas consciente, et qu’il doit le poursuivre le matin, c’est qu’il a encore des poubelles à nettoyer de la veille. Si l’on interrompt le nettoyage en mangeant quelque chose, on repart sur une nouvelle livraison d’aliments transformés. Ce qui ajoutera du travail à un service de nettoyage, alors que celui-ci n’aura même pas réussi à terminer ce qu’il aurait dû faire durant la nuit.

Voyons maintenant comment ça se passe chez le cueilleur et chez le collecteur. Tous deux ont une approche sensorielle de l’alimentation, mais le collecteur fait 2 repas par jour, en consommant chaque fois plusieurs aliments différents, alors que le cueilleur fait 4 à 6 prises alimentaires par jour, chacune d’entre elles étant constituée d’un seul aliment consommé en quantités variables.

On peut déjà souligner que, dans les deux cas, l’absence totale d’aliments transformés allège considérablement le travail d’élimination. Ayant pratiqué largement ces deux comportements alimentaires, outre le culinaire, et croisé mes connaissances avec un nombre considérable de crudivores depuis trente ans, c’est en connaissance de cause que je peux en parler.

Le cueilleur

Auparavant culinaire, lorsque j’ai commencé à pratiquer le mode alimentaire du cueilleur, j’ai personnellement pu observer que la faim se manifestait spontanément environ deux heures après le réveil. Plus tard, tous les nouveaux cueilleurs avec qui j’ai pu m’entretenir m’ont confirmé ce timing.

On peut dès lors raisonnablement penser qu’à cette heure-là, le cueilleur a éliminé tous ses déchets et vidé toutes les poubelles. Logiquement, les selles sont un modèle du genre, souples et fermes à la fois, bien calibrées, et le cueilleur n’a pas le temps de lire aux toilettes. Jusqu’à l’usage du papier w-c qui s’avère bien souvent inutile. Un simple coup d’œil permet au cueilleur de le constater de visu.

Tout aussi logiquement, la dernière prise alimentaire du cueilleur étant constituée d’un seul aliment, natif de surcroît, donc très simple à digérer pour quelqu’un dont les ancêtres ont pratiqué l’exercice pendant des millions d’années, la limpidité digestive qui en découle est très étonnante.

Mais revenons à la faim du cueilleur. Maintenant, je veux parler de la vraie faim, pas d’une faim qui vous gargouille en dedans, vous brouille l’esprit et vous diminue, mais d’une faim qui vous éveille l’esprit et vous aide. Cette faim s’appelle la curiosité sensorielle.

Le collecteur

Chez le collecteur, l’heure de la faim survient plus tardivement, en moyenne quatre heures après le réveil. Logiquement, le collecteur ne consomme pas d’aliments transformés et ne ressent aucune gêne matinale du type gargouillis culinaire. Ce qui ne veut pas dire qu’il a réussi à éliminer tous les déchets dans la nuit. Si cela avait été le cas, sa curiosité sensorielle se serait activée deux heures après le réveil, comme chez le cueilleur. En revanche, cela veut dire que la veille au soir, le collecteur a fait quelque chose qui a nécessité un temps de nettoyage supérieur à celui du cueilleur.

Il ne faut pas chercher bien loin pour tomber sur la complexité de la dernière prise alimentaire de la veille. Ingérer un aliment et un seul entraîne toute une cascade de sécrétions, tant dans la bouche que dans l’estomac, qui sont tout à fait spécifiques à l’aliment consommé. Ingérer un deuxième aliment entraînera aussi une cascade de sécrétions qui ne pourra que bouleverser le travail du premier train de sécrétions produit lors de l’ingestion du premier aliment. Rajoutez-en un troisième, voire un quatrième, et vous comprenez pourquoi il faut un peu plus de temps au collecteur pour faire le ménage.

Notons au passage qu’il existe deux manières d’empiler des aliments : soit en les consommant les uns après les autres, avec une approche sensorielle, soit sous forme de salade composée. La salade composée est la pire des solutions : maquillée par une sauce, le système sensoriel est complètement dépassé, ce qui fait dire à de nombreuses personnes qu’elles ne supportent pas le cru (voir à ce sujet l’article récemment publié : « Révélations si je ne digère pas le cru »).

Guy Claude Burger, le père de l’instinctothérapie, qui est une pratique alimentaire apparentée à celle du collecteur, avait d’ailleurs constaté des difficultés digestives le matin chez les pratiquants vivant dans son centre de Montramé. Il avait même instauré la consommation d’une plante laxative pour faciliter l’élimination intestinale : la casse.

Ce fruit se présente sous la forme d’une longue gousse noire allongée contenant des petites lamelles entourée d’une pâte noire. Cette pâte est consommée dans les caraïbes comme purgatif (diluée dans du lait chaud…).

Ce choix de la casse par Burger est justifié par le fait que nos habitudes sociales sont calées sur deux prises alimentaires par jour, ce qui impose de facto de faire des repas d’empilage pour couvrir tous ses besoins en si peu de prises. Comme le problème était omniprésent, l’utilisation de la casse s’est généralisée. Aujourd’hui encore, de nombreux pratiquants de l’instinctothérapie consomment quotidiennement de la casse, signant ainsi l’imperfection relative de leur mode alimentaire.

En fait, la casse est utile chaque fois qu’on a besoin d’éliminer plus que d’habitude, ou plus rapidement. Ceci étant, si vous êtes un consommateur régulier de casse, c’est qu’il y a un problème de comportement alimentaire en amont. Si vous en êtes conscient, mais que votre situation ne vous permet pas d’y remédier, alors oui, la casse est une bonne solution. Si ce n’est pas le cas, je vous incite vraiment à vous poser des questions. Non pas forcément dans la perspective de devenir un cueilleur à temps plein, mais au moins chaque fois que cela sera possible, tant il y a à gagner sur ce plan.

Pour résumer …

En général, le culinaire n’a pas faim le matin. Il a des crampes d’estomac qui le dérangent à un certain moment de la matinée, mais ce n’est pas de la faim, même si la gêne disparaît lorsqu’il mange. En clair, c’est anormal, mais c’est un dérangement que l’individu peut interrompre très rapidement en mangeant n’importe quoi. Ce ressenti désagréable n’est pas de la faim, c’est simplement une grève des éboueurs qui sont submergés de travail.

De plus, c’est un piège, car en mangeant quelque chose, on interrompt les éboueurs, donc on garde toutes les poubelles qu’ils n’ont pas pu évacuer. Alors, on devient juste un dépotoir de poubelles ! Nous avons des éboueurs d’une très grande qualité mais il faut respecter leurs conditions de travail…

Le collecteur a faim vers midi parce qu’il a besoin de temps pour nettoyer son empilage de la veille et il s’aide fréquemment avec de la casse.

Et le cueilleur n’a qu’un seul aliment à digérer, qu’il connaît parfaitement car il a coévolué avec lui depuis la nuit des temps (7 millions d’années). De ce fait, le nettoyage se termine seulement deux heures après le réveil, au lieu de quatre pour le collecteur. Lorsqu’il se réveille, le cueilleur n’aura accès qu’à quelques permanents dont il ne sera pas spécialement en manque.

Ces deux heures sans avoir faim, il va pouvoir les mettre à profit pour trouver l’élu de sa prochaine prise alimentaire. Juste le temps de se rendre au pied de ce groupe de manguiers dont il sait la maturité et dont sa curiosité sensorielle rêve déjà, sans la moindre crampe à l’estomac, évidemment.

Revenons à aujourd’hui. À la lumière de ce que vous savez maintenant sur la faim, vous devriez pouvoir évaluer la pertinence de vos choix alimentaires. Vous savez ce qu’est une fausse faim et vous savez qu’en interrompant le nettoyage, vous vous tirez une balle dans le pied.

Vous avez peut-être été tenté d’aller voir ailleurs si la mer n’y est pas plus bleue et la brise plus clémente. Qui sait ? Certaines personnes déclarent avoir trouvé une recette magique en prolongeant le jeûne nocturne jusqu’au soir suivant, avant de faire un gros repas d’empilage. Ce faisant, elles laissent bien tout le temps nécessaire aux processus digestifs pour nettoyer leur organisme, mais ces jeûnes intermittents sont trompeurs[1].

La situation est la même que chez le culinaire qui jeûne plusieurs jours par mois, qui se retape juste parce que « arrêter de consommer des aliments transformés », ça retape et qui recommence à polluer son organisme en sortie de jeûne avec les mêmes aliments transformés qu’il consommait auparavant. S’il n’a pas d’autres choix, à l’instar de la casse du collecteur, le jeûne sera une solution, mais une solution à défaut de mieux. Il faut cependant savoir que plus vous avez besoin de jeûner et plus vous devrez vous interroger sur votre comportement alimentaire.

Au final, quelles que soient vos pratiques alimentaires, vous avez maintenant toutes les données pour comprendre les maux de la faim, et peut-être leur glisser un petit mot de la fin.

Dominique Guyaux

Texte publié dans « Du cuit au cru » par Médicis Éditions (2022)


[1] Lire à ce sujet l’article « Révélations sur le jeûne »

Dominique Guyaux

Dominique Guyaux

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10 Responses

  1. Très juste, ça semble évident lorsqu’on vous lit, mais surtout c’est confirmé par la pratique… Le mode collecteur (pas toujours sensoriel en plus!) qui était le mien jusqu’il y a peu me semble maintenant n’être qu’une étape que je laisserai volontiers derrière moi. Par contrerai toujours des crises de « boulimie » au dernier repas de la journée, où j’empile par exemple dinde +ananas+fraises, le plus souvent des fruits frais, je me demande si j’en mange suffisamment dans la journée, en général c’est un légume vers 10 heures, puis un fruit frais (jusqu’à l’arrêt sensoriel) le midi puis un fruit en coque vers 14 heures puis un légume vers 16 heures puis craquage vers 18 heures surtout si j’ai dû sauter ne ou deux prises du fait de mon emploi du temps…

    1. Bonjour Sophie, il faut se montrer très souple avec les règles et les prendre comme un cadre indicatif. Le craquage vers 18 heures est la conséquence d’une accumulation de frustrations qui peut se corriger, qui doit se corriger. Plus de prises peut-être, ou une meilleure gestion des élus, ou une meilleure gestion des aléatoires (joker), ou, ou … Pas facile à expliquer à distance, mais en bref, trop de cibles manquées, on mange approximativement et on n’atteint pas assez souvent sa cible et on ne trouve pas la sérénité sensorielle sensée vous accompagner jusqu’à la prochaine prise alimentaire…

  2. Bonjour Dominique,

    Puisque tu me cites nommément dans cet excellent article, je me permets de le commenter personnellement. Je ne l’entends pas comme droit de réponse, mais comme recherche commune de la vérité, dans ce domaine très complexe qu’est la nutrition.

    D’abord bravo pour tout ce que tu dis sur les nuisances digestives de la nourriture traditionnelle. C’est exactement ce que j’enseignais à l’époque où tu as guéri ta sclérose en plaques, ou aussi lorsque tu as suivi mes cours et séjourné à Montramé.

    Je dois par contre compléter ou préciser ce que tu dis sur la casse : ce fruit aux propriétés tout à fait particulières, ordinairement connu comme purgatif, n’est pas utilisé dans l’instinctothérapie ni contre des constipations (qui ne se présentent jamais), ni pour éliminer des toxines provenant d’une mauvaise digestion des aliments consommés la veille. Il joue en revanche un rôle essentiel pour favoriser l’élimination des toxines rejetées par les cellules et circulant dans le sang, en les faisant passer à rebours à travers la paroi intestinale, qui constitue le principal organe de détoxination (200 m² de surface effective).

    Il ne faut pas négliger l’importance et la durée de la détoxination, l’expérience montre que les toxines accumulées le plus souvent pendant des décennies d’alimentation traditionnelle, ne s’éliminent pas en un tournemain. Il faut du temps, et lors des périodes où elles sont rejetées par les cellules dans les masses circulantes, elles produisent certains signes liés à la détoxination : parfois sentiment de creux à l’estomac, mais le plus classiquement le retour de tendances inflammatoires qui se manifestaient avant l’arrêt du culinaire.

    On voit immédiatement que la casse est active à ce niveau, car ces tendances inflammatoires, supportables voire quasiment imperceptibles si l’on s’équilibre correctement (même en mode collecteur pour prendre ton vocabulaire) disparaissent dans les minutes après la prise de casse, signant ainsi la diminution de la toxémie (et donc le passage des toxines du sang dans le contenu intestinal.

    De plus, ces signes inflammatoires ne se présentent pas par exemple chez mes enfants qui pratiquent le mode collecteur depuis leur enfance, même lorsqu’ils ont fait un repas relativement abondant la veille au soir. On ne les observe que chez les anciens culivores.

    Il n’y a donc aucun doute sur l’origine des toxines que la casse permet de faire rejeter dans l’intestin : elles ne proviennent pas d’un repas composé (il y a des millions d’années que les estomacs ont appris à digérer des repas composés), mais d’une intoxination antérieure imputable au culinaire.

    Il y a toutefois, et c’est là que ce que tu dis s’applique fort bien, des personnes qui estiment pratiquer l’instinctothérapie mais qui ont pris l’habitude de dépasser les arrêts instinctifs, d’où divers malaises digestifs qu’elles tentent de compenser en ajoutant aliments sur aliments : là on peut parler de surempilage, et c’est effectivement un cercle vicieux (je crois t’en avoir parlé à l’époque). Mais c’est justement une mauvaise application des règles d’écoute des signaux sensoriels du corps.

    Dernier point : si la faim ne se présente qu’à midi, cela ne tient absolument pas au temps nécessaire à une détoxination liée directement au repas (équilibré) de la veille. Un surempilage se traduit au contraire par un creux à l’estomac, par une envie de manger plus tôt dans la matinée. L’absence de fringale matinale témoigne d’un apport suffisant et équilibré de nutriments, qui évite toute urgence alimentaire. La détoxination provenant du passé culinaire peut ainsi se poursuivre (silencieusement grâce à la casse) plus longtemps que si l’on mangeait à dix heures, deux heures de plus quotidiennes de détox ne sont pas négligeables pour l’évolution vers la santé.

    Cordialement
    GCB

    1. Bonjour Guy Claude,
      Merci pour tes commentaires que j’accueille avec le même esprit de recherche constructive que toi.
      Toute petite parenthèse en passant, je ne considère pas avoir « guéri » de cette sep, je me dis en « rémission active » par opposition aux « rémissions spontanées » observées dans cette pathologie sans cause particulière.
      Venons-en maintenant à l’objet de ton message, que je ne vais pas reprendre point par point car tous les arguments que tu avances me semblent fondés dans le cadre strict de l’instinctothérapie dont tu es Le grand spécialiste. La vision que j’ai développée avec l’alimentation sensorielle n’est pas limitée à l’instinctothérapie, mon « collecteur » s’intègre dans une vision plus large du comportement alimentaire de notre lignée évolutive. Le cueilleur est bien plus ancré dans les profondeurs du temps de notre histoire que ne l’est le collecteur.
      De mon point de vue, largement documenté dans mon mémoire et dans L’éloge du cru, la puissance du cueilleur est incomparable. Je l’ai tout d’abord observé sur moi, dans le contexte des trois années de navigation en solo que tu sais, mais il m’aura fallu bien des années pour parvenir à en théoriser l’origine, et avoir le retour d’un nombre suffisant de cueilleurs pour la voir confirmée par les faits. Je compare les deux approches parce que j’ai pratiqué les deux, et parce que j’ai recueilli les témoignages d’instinctos/collecteurs, de cueilleurs issus de l’instincto et de cueilleurs issus de mes formations ou non.
      Nous sommes avant tout des cueilleurs, et le collecteur n’a pas remplacé le cueilleur originel. Il a complété la stratégie alimentaire fondamentale de notre lignée, dont l’origine se perd dans la nuit des temps, avec un autre comportement alimentaire. Ce deuxième comportement, en complément du premier qui l’avait façonné, lui a offert un avantage évolutif, en termes de survie, lorsqu’il a voulu, ou pu grâce à cela, quitter son biotope naturel. C’est le collecteur qui est partis coloniser le reste du monde, ou plutôt un CUEILLEUR/collecteur.
      Bref, nos avis divergent sur ce point, je place le comportement alimentaire du cueilleur bien au-dessus de celui du collecteur en terme d’efficacité santé (ce dernier étant lui-même bien supérieur au culinaire évidemment).
      Venons-en à la casse maintenant, cela ne me pose aucun problème d’en recommander l’utilisation, toujours en approche sensorielle, soit pour faciliter le nettoyage d’un passé culinaire, soit pour aider la digestion lors de la transition alimentaire, soit en complément d’une pratique moins efficace que ne l’est celle du cueilleur.
      Un détail me titille cependant, c’est la place tout à fait particulière qu’occupe la casse dans l’instinctothérapie. Je te suis complètement quand tu dis que la casse facilite l’élimination digestives, mais je ne vois pas pourquoi seules les toxines issues d’un passé culinaire en profiteraient. Je suis convaincu que la casse est un outil très intéressant dans de nombreuses circonstances, mais je reste persuadé que le comportement alimentaire du cueilleur est le plus puissant outil dont l’homme puisse disposer aujourd’hui pour retomber sur ses pieds après avoir divagué en terres culinaires.
      La casse est une béquille, comme bien d’autres (naturopathie), qui est très utile car il est bien difficile pour beaucoup de manger cru dans une société profondément culinaire en s’appuyant sur un seul mode alimentaire en toutes circonstances.
      Il me semble plus pragmatique d’apprendre la pratique du cueilleur, non pas pour l’appliquer à 100%, mais pour y recourir chaque fois que cela sera possible ou quand une raison impérieuse (approvisionnement restreint, budget serré, relations sociales, familiales ou professionnelle, etc.) poussera à se rabattre sur un mode alimentaire moins performant, que ce soit par choix ou par nécessité. C’est pourquoi j’ai développé « Le Plan Cru » : au service de la transition alimentaire ; ou plutôt « de la longue route » de la transition alimentaire, car le paradigme culinaire ne risque pas d’être détrôné à l’échelle de nos vies. Il faut donc se donner les moyens de négocier avec l’inévitable. Toutes les personnes qui se lancent dans le cru y seront confrontées. Or, plus elles seront armées, de connaissances, et mieux elles pourront choisir par elles-mêmes entre la moins pire des solutions et la meilleure, quand c’est possible, ou la capitulation.
      J’ai cependant bien conscience que ces questions de fond mériteraient un dialogue entre nous et que ces quelques phrases pourront difficilement nous permettre de faire avancer nos pensées respectives.
      Sache enfin que si je dois au hasard d’avoir croisé la route du cueilleur, c’est bien à toi que dois d’avoir été initialisé au cru, et c’est grâce à ton travail que j’ai pu mettre à jour l’histoire du comportement alimentaire de notre lignée. Je t’en remercie encore aujourd’hui.
      Cordialement,
      Dominique

  3. Bonjour Dominique,

    Mille mercis pour cet article, qui comme d’habitude est passionnant ! Je vous ai connu en classe de naturopathie à Hyères et je n’ai cessé de parler de votre modèle d’alimentation autour de moi. Cependant, je n’avais encore jamais passé le pas de l’expérimentation du cueilleur sur moi. Mais, cela me trottait dans la tête depuis longtemps. Je l’expérimente depuis 4 jours seulement et je commence déjà à avoir tellement d’énergie que le sommeil peine à venir le soir 😀

    2 questions me taraudent néanmoins :

    – peut-on avoir un fort appel sensoriel sur un aliment, se délecter de l’odeur et ne pas aimer le goût ? exemple : l’été dernier, j’adorais l’odeur du melon mais le goût me dégoûtait. Que doit-on en tirer ?

    – peut-on avoir aucun appel sensoriel sur un aliment mais en apprécier énormément le goût ? cela signifie-t-il qu’en termes de besoins nutritionnels nous n’en n’avons pas besoin ? Par exemple, l’avocat est neutre en terme d’odeur pour moi en toutes occasions, alors que le manger à la cuillère sans sel, brut, me procure beaucoup de plaisir gustatif ! I

    Mille mercis du temps que vous prendrez à me lire et me répondre !

    1. Bonjour Manon,
      Bravo pour votre lancement sensoriel, mais soyez vigilante, il y a plein de façons de se tromper et il me semble important de continuer à parfaire votre connaissance du sensoriel.
      Vos questions maintenant.
      Oui, on peut être attiré par un aliment à l’odorat et ne pas l’aimer au gout. Lorsque un aliment vous attire pas son odeur, vous ne pouvez pas savoir combien vous devez en consommer pour couvrir vos besoins qui peuvent être d’ordre moléculaire ou d’ordre pondéral. Si vous avez besoin de quelques microgrammes d’ail, voire de quelques effluves, et que vous attaquez par une gousse entière vous risquez de sauter au plafond.
      Concernant votre deuxième question, si un aliment ne sent rien, et que vous n’en avez aucun autre qui vous attire, alors oui, le goût, deuxième gardien sensoriel de votre organisme après l’odorat, doit venir à la rescousse de l’odorat, mais en aucun cas si son odeur est négative. Je vous invite à lire l’article intitulé « Révélations sur le goût » dans la rubrique Article du site qui répond précisément à cette question. Cordialement, Dominique

  4. je vais aller m’installer à abidjan en mars 2021 avec la création d’une ferme agroécologique , est- qu’il y a des cueilleurs dans la région ? merci et vive l’alimentation sensorielle , mon mail : phigo03@gmail.com

    1. Bonjour Philippe et bonne année à toi. Beau projet, mais je ne sais pas du tout s’il y a des cueilleurs là-bas.
      Bien amicalement,
      Dom

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